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La Tombe des Fleurs
8 janvier 2011

Fondu Enchainé 1 (part 1)

« Putain, j'vois ici les hommes les plus forts et les plus intelligents que j'aie jamais vus, j'vois tout ce potentiel et j'le vois gâché. J'vois une génération entière qui travaille à des pompes à essences, qui fait le service dans des restos, qui est esclave d'un petit chef dans un bureau. La pub nous fait courir après des voitures et des fringues, on fait des boulots qu'on déteste pour se payer des merdes qui nous servent à rien. On est les enfants oubliés de l'histoire mes amis, on a pas de but ni de vraie place; on a pas de grande guerre, pas de grande dépression. Notre grande guerre est spirituelle, notre grande dépression, c'est nos vies. La télévision nous a apprit à croire qu'un jour on serait tous des millionnaires, des dieux du cinéma ou des rock stars, mais c'est FAUX. Et nous apprenons lentement cette vérité. On en a vraiment, vraiment plein le cul. »

 

FIGHT CLUB, Tyler

images

 

Un mince rayon de soleil filtra entre ses paupières closes. Il grogna un peu et ramena la couverture sur son menton. Il ne voulait pas ouvrir les yeux. Pas envie. La flemme l'avait pris à bras le corps, jamais il ne sortirait de ce lit.

D'autant que le cours d'aujourd'hui n'était pas si important. La preuve, il n'avait aucunement prit la peine de le préparer. Et puis d'ailleurs, à quoi bon se donner du mal? De toutes façons, personne ne l'écoutait jamais.

Cet homme-là aimait décidément beaucoup les adages et parce qu'une fois n'est pas coutume, il allait donc rester dans son lit. Aujourd'hui, il se cacherait bien au chaud sous les couvertures. Ainsi, il allait faire des heureux : lui et ceux qui s'infligeaient son cours en option pour grappiller quelques malheureux points. Sauf peut-être ces deux trois pinups callipyges qui venaient parfois l'y reluquer, les yeux tout ronds, l'écume picotante à la commissure des lèvres...Un peu comme s'il avait été un énorme donut ou un menu maxi best-of royal cheese assorti d'un sundae caramel...Il aurait été davantage flatté de ne pas leur plaire...

En flânant dans les couloirs, à l'heure du déjeuner ou en assistant à d'autres cours, il lui était quelques fois arrivé de surprendre des bribes de conversations d'étudiants, lesquels qualifiaient les matière et méthodes d'enseignement de Mr.Gabriel Bianchi de ''soporifiques'', d'''inintéressantes'' bref, de ''mortelles'' (dans le sens ''bien chiantes'') pour employer le jargon.

Dans le fond, il était bien obligé de reconnaitre qu'ils n'avaient pas tout à fait tort...Lui-même luttait pour ne pas s'endormir en récitant d'une voix atone de serveur téléphonique, les règles de la grammaire française et lui-même encore étudiant devait endurer chaque semaine, les interminables laïus du prof le plus gâteux de toute la création sur la guerre de Sécession.

Sa passion pour l'histoire américaine avait d'ailleurs été passée à la trappe à cause de ce type et de ses convictions nostalgiques un poil douteuses...

Gabriel n'était donc pas un simple étudiant, ni même ''un professionnel de l'éducation'' en exercice. Il avait pour charge de mettre en relief les richesses de sa langue maternelle, il figurait une sorte d'''apport civilisationnel'', propre à engendrer un engouement (de préférence) forcené pour la culture française (s'il en est)...

En bref, il était assistant, quoi. Un assistant assisté. Il dépendait en effet de tout un tas de gens qui lui imposaient leurs méthodes, drastiques et pas vraiment purgatives pour le coup. Ses supérieurs lui laissaient rarement prendre des initiatives, ils le surveillaient, l'examinaient, le poursuivaient. Gabriel ne pouvait pas croire qu'il s'agissait simplement des aléas de son apprentissage. Gabriel ne pouvait s'empêcher de le prendre personnellement. Petit garçon, il avait compris très tôt qu'il fallait se méfier des sourires en façade, il avait aussi apprit à se méfier des étrangers. Ici, il savait que c'était ainsi qu'on le considérait.

Gabriel avait bien du mal à se faire à cette situation et le temps n'arrangeait pas les choses...Plus les jours défilaient et plus Gabriel se sentait mal à l'aise et incompétent. Son emploi du temps n'était pas vraiment surchargé : quatre d'intervention par semaine et deux jours de cours complets suffisaient tout de même à lui donner le mal de vivre les jours suivants, alors qu'il avait enfin le loisir de faire les choses qui lui semblaient vraiment utiles.

Incapable de se concentrer sur ses études, trop tourmenté par le souvenir de l'échec cuisant et cette sensation très désagréable de s'être donné en spectacle inutilement, lesquels sentiments s'imposaient inéluctablement à lui à mesure qu'il soulignait l'admirable construction de la prose de Camus dont tout le monde se foutait.

Sa haine de la volonté hiérarchique ne faisait qu'enfler malgré les conseils de sa mère qui le suppliait de tempérer. Il n'avait plus que quelques semaines à tirer...''Encore un effort chéri, s'il te plait!''

Il ne faisait que ça, des efforts...

Prisonnier de la méthode donc, loin des siens et en pleine crise d'identité, Gabriel se sentait bel et bien aux portes de la rupture.

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