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La Tombe des Fleurs

8 janvier 2011

Fondu Enchainé 2 (part 2)

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Ils rejoignirent la cuisine et prirent place autour d'une table bien garnie. La logeuse s'avança avec un broc à la main et toutes dents dehors, demanda de sa petite voix de crécelle :

"_Alors Gabe? Bien dormi? Un café?

_ Un chocolat plutôt, s'il vous plait. Je ne bois pas de café.

_Ah oui c'est vrai! Excuse-moi...Tiens, voilà mon grand! Dis-moi pendant que j'y suis, j'ai un tout petit service à te demander.

_Oui bien sûr, allez-y...

_C'est trois fois rien, rassure toi. J'ai un soucis du fait que j'ai totalement zappé la réunion de parents d'élèves de 10h, tu comprends bien que je ne peux absolument pas me permettre de rater ça! Le hic c'est que nous n'avons qu'une seule voiture et Elizabeth doit absolument aller à la bibliothèque ce matin, ma question donc est :  pourrais-tu l'y déposer? C'est sur ton chemin je crois, en tout cas, ça l'est plus que sur le mien!

Et là, elle éclata de rire. Un rire qui ressemblait davantage à une crise d'asthme. Le visage de Beth s'illumina instantanément tandis que Gabriel sentait la nausée lui tordre les tripes.

Traquenard!

Guet-apens!

Sûr qu'elles avaient tout manigancé à l'avance ces deux-là!

_Oui, aucun problème, répondit-il résigné

_Excellent! s'exclama la logeuse sur un ton que Gabriel aurait qualifié de "victorieux", un autre café peut-être?

Gabriel ne pu retenir un soupir.

_Non. Merci."

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8 janvier 2011

Fondu Enchainé 2 (part 1)

''Jane est le stéréotype parfait de l'adolescente, paumée, mal dans sa peau, j'aimerai lui dire que ça va s'arranger, mais je ne veux pas lui mentir.''

AMERICAN BEAUTY, Lester

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Le réveil se mit à sonner. Dur. Il le fit taire d'un geste brutal mais ce fut bientôt au tour de la conscience de le rappeler à l'ordre. Il n'avait pas trouvé d'excuses pour se justifier de son absence et puis il n'avait pas envie de poireauter une heure et demie chez le médecin pour obtenir le saint papier de dispense. Il se souvint également qu'il lui fallait trouver une connexion internet correcte pour envoyer quelques nouvelles à Lucie.

Pas beau à voir.

La sale tête du matin. Les yeux qui collent, les cheveux ébouriffés en plus de l'haleine douteuse.

Ca ne faisait pas rêver.

Ses joues portaient la trace d'un sommeil agité entre ses multiples couches de draps en flanelle et autres couvertures polaires.

Il finit par s'en extraire en râlant un peu et enfila ses charentaises avant de se diriger d'un pas trainant jusque dans la salle de bains.

Gabriel croisa son reflet dans le miroir et passa la main sur les poils épars de son menton.

Complexé. Léger embonpoint.

Rond, ouais.

De nouveau les souvenirs désagréables surgissant des profondeurs sépulcrales de sa mémoire : les années lycée.

Il secoua la tête énergiquement pour chasser les idées noires puis se jeta sous la douche. Morsure de l'eau bouillante sur sa peau, il se sentait déjà mieux. Il sorti de la pièce emmitouflé dans son peignoir, grelottant. Il prépara ensuite sur un coin de lit, un pull supplémentaire, une écharpe, un bonnet, d'adorables cache-oreilles, ainsi qu'une seconde paire de gants.

Il enfila un t-shirt ainsi qu'un pantalon de velours côtelé par-dessus ses ''long legs'' à la Charles Ingalls, deux grosses paires de chaussettes devraient suffire.

Il chaussa non sans fierté d'énormes Caterpillar l'enrobant à mi-mollets.Nouvelle inspection dans le miroir : plutôt pas mal, petite barbe bien ajustée. BG. Il sourit de satisfaction découvrant des dents bien blanches. Il avait un très joli sourire qui faisait légèrement plisser ses yeux.

Des bruits de pas dans l'escalier vinrent soudain troubler sa contemplation. Sa logeuse n'allait certainement pas tarder à surgir dans sa chambre sans frapper pour le prier de descendre pour le petit déjeuner.Enième petite contrariété de ce début de journée qu'il était bien décidé à contrer. Il se posta devant l'entrée, son oreille plaquée sur le bois, à l'affût, la main enserrant fermement la poignée...Et quand les pas se furent dangereusement rapprochés, il compta jusqu'à 3 et vlan ! Ouvrit la porte à la volée.

Surpris, il affichait à présent un sourire crispé.

''_Gabe...Gabriel! Balbutia la jeune femme.

(Pire que la logeuse, il s'agissait en fait de la fille aînée de cette dernière...)

_Beth, salut. Je descends.

Gabriel n'avait toujours pas quitté cet étrange rictus, un peu comme s'il posait et que l'appareil tardait à se déclencher.

_Bon on y va? Je te suis.''

Beth hocha la tête et s'engouffra derechef dans les escaliers. Monter. Descendre. Monter. Elle n'allait faire que ça toute la matinée. Gabriel pensa en lui-même que ça n'était peut-être pas plus mal. Il examina sa silhouette. Grosse, trop grosse. Engoncée dans ses jeans trop serrés et ses décolletés à n'en plus finir. Dommage. Joli visage. Brune. Les yeux très bleus. Stupide. Peut-être qu'avec lui. Elle se frottait sans arrêt à lui et papillonnait des cils quand il s'adressait à elle. Avait parfois les mains baladeuses, l'attitude maladroitement aguicheuse. Il avait même remarqué qu'elle tentait parfois de le rendre jaloux en lui racontant ses supposées escapades nocturnes avec le fils des voisins, un blond sale et malingre pourtant connu et reconnu pour être un sacré tombeur.

Gabriel subissait. Clairement, il n'en avait rien à taper. Rien à foutre de Beth et de ses gros tétés. Toutes ses pensées étaient dirigées à des milliers de kilomètres d'ici. Là où se trouvait Lucie. Plus qu'une vingtaine de croix à tracer sur le vieux calendrier.

Beth lui lança son regard de braise en secouant ''voluptueusement'' sa chevelure. Gabriel commençait à redouter sérieusement une déclaration imminente. En effet, elle avait à peu près tout essayer, sauf ça. Il préférait s'attendre au pire et réfléchir dès à présent à la façon dont il allait la rembarrer, sans trop la vexer.

Et ouais, pas facile. D'autant qu'il vivait sous toit.

8 janvier 2011

Correspondances

Enfin la lettre,
Qui ne fait pas mal à la tête.
Pour suivre une idée, une parole plutôt qu'un dessin.
Pour être sûr qu'on se comprenne bien, les yeux dans les lignes d'encre.
La lettre à ne jamais garder trop loin de soi. Mes instructions : la relire quand ça ne va pas.
Pour te rappeler que je suis là et que je sais moi, que tu es quelqu'un.
Une artiste dont je pourrai parler à l'infini mais enfin, je voudrai résumer.

Tu as su te faire aimer et garder ces sentiments intacts. Est-ce de m'avoir tant donné qui te donne cette drôle d'impression?
Quoiqu'il en soit, pardonne si je ne m'inquiète pas.
Et d'ailleurs, comment peux-tu te sentir inutile toi qui as fait de moi un homme heureux?
Tu m'as sorti du vide et j'étais récalcitrant, tu as lavé le vomi sur mes cheveux, tu m'as appris à passer outre les "on dit", poussé à écrire plus de chansons.
Rien que pour cela, tu mérites qu'on se rassemble autour de toi pour te tenir chaud.
L'art, tu le portes tout le temps en toi et sur toi. Tu es le plus beau poème, le plus beau portrait, la plus belle portée jamais écrite. Je sens, je vois et j'entends tout cela. Et je me dis qu'on aurait pas rêvé plus magnifique.

8 janvier 2011

TRACK 03. Loverman - Nick Cave & The Bad Seeds - Let Love In (1994)

NickCaveLondon1998

" L is for LOVE, baby
O is for ONLY you that I do
  V is for VIRTUALLY all that you are
  E is for loving almost EVERYTHING that you do
R is for RAPE me
  M is for MURDER me
  A is for ANSWERING all my prayers
N is for KNOWING that your loverman's going to be the answer to all of yours.''


Toutes les histoires ne sont pas des histoires d'amour.
Je nourris mon corps, voilà.
Je nourris simplement ce que je possède.

8 janvier 2011

Fondu Enchainé 1 (part 2)

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''Faites des études!'' qu'ils disaient. Et quand il rentrerait en France on lui claquerait la porte au nez en l'accusant d'être bien trop qualifié pour prétendre au job. Certains se feraient même un plaisir de lui glisser à demie-voix que d'avoir mené des études littéraires n'avait peut-être pas été un choix des plus judicieux.
Trop diplômé pour endosser le costume de la rousse mascotte d'une célèbre banque française pour satisfaire les besoins alimentaires, voire de payer le loyer d'un appartement minable dans la ville qui l'avait vu naître et pas assez ''expérimenté'' pour décrocher le poste rêvé, derrière un bureau, à l'abri des regards, dans un réduis à la dérobée, qui le préserverait de la présence de l'Autre.

Gabriel ne voulait plus enseigner et céder à la pression parentale, aussi douce soit-elle. Gabriel en avait décidément assez de revoir ses exigences à la baisse. En réalité, Gabriel était un artiste.
Comme à peu près tous les gens issus de cursus littéraires, lesquels forts de leurs diplômes du baccalauréat caressent des rêves de gloire. Acteurs, peintres, réalisateurs, écrivains et autres musiciens. La caste pas si privée de "Ceux-qui-refusent-de-se-satisfaire-de-petits-riens", des plaisirs simples de la vie, jamais rassasiés dans leurs recherches d'ailleurs étranges ou de réalités biscornues qui les rendent aussi navrants que passionnants au yeux du Commun. Compliqués. A mener des quêtes désespérées. A croire dans ces quêtes. A monter leurs coeurs en bannière. Et pompent indéfiniment. Chacun selon ses propres valeurs. Pour la passion ou pour le fric, pour la passion du fric, ou l'amour de soi, ou la pureté dans leur art...Qui sait?

Pomper, ouais. Au sens figuré. Et au sens propre, également. Tour à tour. Mère Maquerelle. Dissimulée. Jézabel. Et en beauté. Pompez l'up! Allez hop! Comme les Shadocks qui en sont une pertinente allégorie. Ainsi, avec un escalier prévu pour la montée, on réussit souvent à monter plus bas qu'avec un escalier prévu pour la descente. Gabriel, perdu dans ses pensées, se surprenait parfois à construire ce genre de réflexions.
Pas de doute, il était donc de ceux-là et son amour de la littérature faisait qu'il s'identifiait à quasiment tous les personnages jeunes, beaux et en quête de reconnaissance qu'il croisait entre les lignes.
Il ne pouvait nier qu'il avait ce "petit quelque chose" de plus que les autres, il avait du talent! Il voyait son nom s'inscrire dans le continuum espace-temps et son ombre projetée par delà celle des Grands.

Quand il est arrivé à l'Université, il s'était rapidement convaincu qu'il n'avait rien à y faire, qu'il perdait son temps. Il avait tout de même essayé par acquit de conscience de faire son boulot correctement. Mais en vain. La flemme olympique. Le négotium. Le forçat forcé. Et le devoir, qui vous tient pieds et poings liés.

Il s'était alors répété que tout cela n'était que temporaire, qu'en attendant, il ne faisait pas de peine à sa mère et que viendrait bientôt le jour où il prouverait qui il était et ce dont il était capable.


 

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8 janvier 2011

Fondu Enchainé 1 (part 1)

« Putain, j'vois ici les hommes les plus forts et les plus intelligents que j'aie jamais vus, j'vois tout ce potentiel et j'le vois gâché. J'vois une génération entière qui travaille à des pompes à essences, qui fait le service dans des restos, qui est esclave d'un petit chef dans un bureau. La pub nous fait courir après des voitures et des fringues, on fait des boulots qu'on déteste pour se payer des merdes qui nous servent à rien. On est les enfants oubliés de l'histoire mes amis, on a pas de but ni de vraie place; on a pas de grande guerre, pas de grande dépression. Notre grande guerre est spirituelle, notre grande dépression, c'est nos vies. La télévision nous a apprit à croire qu'un jour on serait tous des millionnaires, des dieux du cinéma ou des rock stars, mais c'est FAUX. Et nous apprenons lentement cette vérité. On en a vraiment, vraiment plein le cul. »

 

FIGHT CLUB, Tyler

images

 

Un mince rayon de soleil filtra entre ses paupières closes. Il grogna un peu et ramena la couverture sur son menton. Il ne voulait pas ouvrir les yeux. Pas envie. La flemme l'avait pris à bras le corps, jamais il ne sortirait de ce lit.

D'autant que le cours d'aujourd'hui n'était pas si important. La preuve, il n'avait aucunement prit la peine de le préparer. Et puis d'ailleurs, à quoi bon se donner du mal? De toutes façons, personne ne l'écoutait jamais.

Cet homme-là aimait décidément beaucoup les adages et parce qu'une fois n'est pas coutume, il allait donc rester dans son lit. Aujourd'hui, il se cacherait bien au chaud sous les couvertures. Ainsi, il allait faire des heureux : lui et ceux qui s'infligeaient son cours en option pour grappiller quelques malheureux points. Sauf peut-être ces deux trois pinups callipyges qui venaient parfois l'y reluquer, les yeux tout ronds, l'écume picotante à la commissure des lèvres...Un peu comme s'il avait été un énorme donut ou un menu maxi best-of royal cheese assorti d'un sundae caramel...Il aurait été davantage flatté de ne pas leur plaire...

En flânant dans les couloirs, à l'heure du déjeuner ou en assistant à d'autres cours, il lui était quelques fois arrivé de surprendre des bribes de conversations d'étudiants, lesquels qualifiaient les matière et méthodes d'enseignement de Mr.Gabriel Bianchi de ''soporifiques'', d'''inintéressantes'' bref, de ''mortelles'' (dans le sens ''bien chiantes'') pour employer le jargon.

Dans le fond, il était bien obligé de reconnaitre qu'ils n'avaient pas tout à fait tort...Lui-même luttait pour ne pas s'endormir en récitant d'une voix atone de serveur téléphonique, les règles de la grammaire française et lui-même encore étudiant devait endurer chaque semaine, les interminables laïus du prof le plus gâteux de toute la création sur la guerre de Sécession.

Sa passion pour l'histoire américaine avait d'ailleurs été passée à la trappe à cause de ce type et de ses convictions nostalgiques un poil douteuses...

Gabriel n'était donc pas un simple étudiant, ni même ''un professionnel de l'éducation'' en exercice. Il avait pour charge de mettre en relief les richesses de sa langue maternelle, il figurait une sorte d'''apport civilisationnel'', propre à engendrer un engouement (de préférence) forcené pour la culture française (s'il en est)...

En bref, il était assistant, quoi. Un assistant assisté. Il dépendait en effet de tout un tas de gens qui lui imposaient leurs méthodes, drastiques et pas vraiment purgatives pour le coup. Ses supérieurs lui laissaient rarement prendre des initiatives, ils le surveillaient, l'examinaient, le poursuivaient. Gabriel ne pouvait pas croire qu'il s'agissait simplement des aléas de son apprentissage. Gabriel ne pouvait s'empêcher de le prendre personnellement. Petit garçon, il avait compris très tôt qu'il fallait se méfier des sourires en façade, il avait aussi apprit à se méfier des étrangers. Ici, il savait que c'était ainsi qu'on le considérait.

Gabriel avait bien du mal à se faire à cette situation et le temps n'arrangeait pas les choses...Plus les jours défilaient et plus Gabriel se sentait mal à l'aise et incompétent. Son emploi du temps n'était pas vraiment surchargé : quatre d'intervention par semaine et deux jours de cours complets suffisaient tout de même à lui donner le mal de vivre les jours suivants, alors qu'il avait enfin le loisir de faire les choses qui lui semblaient vraiment utiles.

Incapable de se concentrer sur ses études, trop tourmenté par le souvenir de l'échec cuisant et cette sensation très désagréable de s'être donné en spectacle inutilement, lesquels sentiments s'imposaient inéluctablement à lui à mesure qu'il soulignait l'admirable construction de la prose de Camus dont tout le monde se foutait.

Sa haine de la volonté hiérarchique ne faisait qu'enfler malgré les conseils de sa mère qui le suppliait de tempérer. Il n'avait plus que quelques semaines à tirer...''Encore un effort chéri, s'il te plait!''

Il ne faisait que ça, des efforts...

Prisonnier de la méthode donc, loin des siens et en pleine crise d'identité, Gabriel se sentait bel et bien aux portes de la rupture.

8 janvier 2011

Journal de Clémence – Extrait du 3 Février 20**

 

'' Quant à l'affirmation du locus interne :

  • Je suis

  • Moi

  • Calme, détendue et sous contrôle

  • Moi

  • Une fille extrêmement intéressante.

  • J'ai parfaitement confiance en moi.

  • Je me fous royalement du regard des autres (souvent)

  • Je suis indépendante et autonome

  • (Indépendante financièrement)

  • Je suis ...

  • Blonde ?

  • J'ai du charme

  • Je suis belle

  • Et même plus

  • Ma vie est tout simplement géniale!

Je la commence demain.''

7 janvier 2011

TRACK 02. Terrapin – Syd Barrett – The Madcap Laughs (1970)

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Temps pâle.

La joue collée à la fenêtre,

Je dessinais dans la moiteur de mon haleine,

La forme vague

D'un radieux soleil.

Ennui,

Qui accuse l'absence de toi

Les murs qui se souviennent

Répercutent les rires et les odeurs.

 

Je les vois soudain se fendre,

Ployer de part et d'autres de moi

M'ouvrir le Passage,

Le labyrinthe aux étroites allées bariolées

Où je garde jalousement les vestiges

De nos road-trips psychés

 

En vérité, je le crois

La mémoire est quelque chose qui tourne en rond.

7 janvier 2011

TRACK 01. Flowers Grave – Tom Waits – Alice (2002)

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On ne peut se consoler de la perte d'un amour en le recouvrant par un autre. On ne peut couronner le cadavre de ce qui fut autrefois notre raison de continuer. Le combat d'une vie agitée, bouleversée par les passions, les jalousies, l'injustice et les intrigues.

Quand l'ombre s'est dessinée sur le côté, dis-moi, t'es tu senti soulagé?

Quand la nuit étendait son empire sur cette ville infestée de personnages sombres et perfides, cruels et qui médisent, ma seule présence suffisait-elle vraiment à enfermer le monde à l'extérieur pour l'oublier?

Des regrets, d'accord. Mais il faudra plus que la colère et il n'est nul juste châtiment pour que vous parveniez à les anéantir tout à fait. Alors changez de disque et tant que vous y êtes, redescendez d'un étage. Car bientôt, il n'y aura plus de haine ou de quelconque autre forme de courroux. Ni de sales gueules vomissant des tombereaux d'injures. Il n'y aura plus de larmes, de supplications ou de chantages désespérés. Bientôt, il n'y aura plus que vous, seul. Avec vos mensonges éhontés et ces promesses qui vous semblaient sincères avant d'être rompues. Oui. Vous, tout seul. Et les chansons d'amour qui passent à la radio, les soap-opéras du milieu d'après-midi à la télé et les amis qui vous annoncent presque en hurlant que le bébé est en route et que la construction de leur maison est quasiment achevée. Bientôt, ils viendront vous surprendre dans votre torpeur où vous étiez pourtant peinard! Ces satanés souvenirs des satanés moments heureux. La tumeur pestilentielle prendra ses mesures sur votre vie. Trente ans sur vos épaules et bien tassées, les épaules. Chauve avant l'heure et le teint gris. Et si vous avez des tendances hystériques, vous vous rendrez compte mais un peu tard qu'il n'y a plus personne pour vous inspirer l'envie d'être un peu jolie.

Enfin, vous refuserez de changer les draps de votre lit.

Vous encenserez le pré fleuri de vos amours gâchés.

Vous ferez du romantisme en rendant palpables les rires et les odeurs.

Dis-moi alors si l'on peut oublier le parfum d'une fleur?

Toutes les roses du monde peuvent-elles nous soustraire à l'odeur enivrante de celle que l'on a contemplée et chérie de toute son âme?


 

Je ne poserai pas de fleurs sur ta tombe.

7 janvier 2011

Prologue

''...car l'amour espère toujours que l'objet qui alluma cette ardente flamme sera capable en même temps de l'éteindre : illusions que combattent les lois de la nature (…) d'un beau visage, d'un bel incarnat, rien ne pénètre en nous dont nous puissions jouir, sinon des simulacres, d'impalpables simulacres, espoir misérable que bientôt emporte le vent.''

Lucrèce, De la nature IV

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La Tombe des Fleurs
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